Alizée : Bonjour à tous. J'espère que vous allez bien ! J’ai le plaisir d'échanger avec Camille sur la réglementation cosmétique. Bonjour Camille.
Camille : Bonjour Alizée.
Alizée : Est ce que tu peux tout d'abord commencer par te présenter ?
Camille : Oui, j'ai fait un Master 1 en Conception des Cosmétiques et un Master 2 en Management de Projets. Et ensuite, comme l'aspect réglementaire m'attirait beaucoup, j'ai réussi à trouver un poste au sein d'une marque propre dans le service réglementaire et j'y ai passé onze belles années. En septembre, j'ai décidé de me lancer dans l'entrepreneuriat et de créer mon activité de consultante pour pouvoir aider les jeunes marques, ou les marques déjà implantées, sur l'aspect réglementaire.
Alizée : Est ce que tu pourrais nous expliquer un peu le rôle du service réglementaire dans une entreprise cosmétique.
Camille : Alors on n'est pas forcément le service le plus apprécié mais on est indispensable et dès qu'il y a une question, ça retombe au service réglementaire. En fait, l'objectif de ce service, c'est vraiment de garantir la sécurité du consommateur, comme le règlement qui impose certaines obligations pour garantir la sécurité du consommateur, nous, c'est pareil, c'est notre ligne directrice en fait. Du coup, les cosmétiques sont régis par un règlement européen, depuis 2009, et le rôle du service réglementaire intervient tout au long du processus de développement. Donc ça part du labo, quand il met au point les formules pour contrôler les matières premières. Ensuite, on va beaucoup échanger avec le service marketing, pour contrôler les étiquetages, pour discuter des allégations possibles ou pas, des tests qui seraient à faire. Ensuite on est en lien avec l'export aussi parce que c'est souvent le service réglementaire qui délivre tous les documents nécessaires pour l'exportation des produits, où dès qu'il y a des questions un peu spécifiques sur tel ou tel ingrédient. Après on suit la durée de vie des produits tout du long, tant qu'ils sont sur le marché. Et, on a ce rôle aussi de synthèse, d'analyse et de communication des informations auprès de la direction pour que les décisions soient prises. Par exemple, si jamais il y a un ingrédient qui vient à être interdit. Il y a des délais pour se mettre en conformité, on fait l'analyse, on expose et ensuite c'est la direction qui choisit, soit de dire le produit on l'oublie parce qu'on va reformuler la gamme, ou alors se dire si si on y tient parce que c'est un produit phare, c'est un produit clé, on met tout en œuvre pour le reformuler et être à temps pour respecter la réglementation. Donc, on intervient auprès de beaucoup de services.
Alizée : Exactement, c'est vraiment un rôle clé dans l'entreprise. Très bien. Et pour parler vraiment de la sécurité pour le consommateur. Est ce que tu pourrais nous parler des tests qui sont obligatoires pour garantir justement cette sécurité ?
Camille : Alors quel que soit le produit cosmétique, que ce soit maquillage, hygiène, soin, peu importe, un dentifrice, une poudre, ça reste un produit cosmétique, ils sont soumis à la même réglementation. Les tests obligatoires, c'est de s'assurer au niveau microbiologique s'il y a des contaminations via des bactéries qui sont possibles. Il y a des tests à réaliser. Sauf si, bien sûr, votre produit est un produit solide ou un produit huileux. Dans ce cas là, il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de possibilité pour les bactéries de se développer. Mais sinon, pour tous les autres, il faut s'assurer de sa sécurité microbiologique. Ensuite, il faut que votre produit soit stable et qu'il soit aussi compatible avec l’emballage que vous avez choisi. Ensuite on a des tests de tolérance, tolérance cutanée et / ou oculaire en fonction du type de produit. Donc ça, c'est obligatoire et ensuite il y aura l'évaluation de la sécurité par un toxicologue, c'est-à-dire qu’il va analyser l'ensemble de tous les tests qui ont été faits. Stabilité, compatibilité, les tests de tolérance et en fonction des ingrédients, de leur pourcentage, de la zone d'application, de la fréquence d'utilisation, il va estimer si le produit est sûr pour le consommateur ou pas. Dans 99 % des cas, si on arrive à cette étape là, c'est que c’est sûr pour le consommateur, et ça c'est le règlement qui l'impose. Et ensuite il y a des tests qui sont optionnels, dans le sens où si vous avez des allégations particulières, il faudra le prouver. Vous ne pouvez pas juste vous reposer sur les actifs qui ont été mis et les argumentaires des fournisseurs d’actifs. Donc, il y aura des tests d'allégation à effectuer en fonction des allégations que vous voulez revendiquer pour vos produits.
Alizée : Exactement, merci parce que c'est très bien expliqué. Et c'est vrai que ça met en avant le fait qu'il y a énormément de tests à faire et ça prend énormément de temps pour développer un produit. Il y a plein de problèmes qui peuvent survenir à n'importe quel moment et c'est vrai qu'une fois qu'un produit est mis sur le marché, normalement, on est sûr qu'il n'est pas dangereux pour le consommateur.
Camille : C'est vraiment la ligne directrice. Assurer la sécurité du consommateur et de toute façon, il y a les autorités qui viennent vous contrôler. Ils vous demandent le fameux sésame, le DIP. Et dans ce DIP, il y a de regroupés tous ces tests là. Et le sésame, le passeport je dirais, c'est l'évaluation par le toxicologue.
Alizée : Donc le DIP, pour ceux qui ne savent pas, c'est le dossier information produit.
Maintenant on va rentrer dans le sujet du marketing de la peur. Parce que c’est un sujet qu'on voit assez régulièrement, on peut voir des cosmétiques qui vont mettre des allégations “sans” quelque chose.
Camille : Ces allégations “sans” elles sont bien mais à petites doses, pour vraiment apporter une information bien précise. Parce que si on prend une liste et qu'on met allégations “sans” sur tout, ça ne veut plus rien dire.
Par exemple “sans perturbateurs endocriniens”, en fait, il n'y a pas de définition officielle. L'Europe est en train de travailler sur ça et en plus il n'y a aucun moyen de doser. Donc clairement elle est interdite parce qu'on ne peut pas la vérifier.
Ensuite “sans parabènes”. Les parabènes ont été réévalués, c'est une famille et il y a une catégorie qui est autorisée, d'autres qui sont interdites. Et du coup, le fait de tout globaliser, ça dénigre ceux qui sont sûrs pour le consommateur. Donc celle-ci n’est pas autorisée.
Il y a des allégations, comme tu dis, “sans” qui sont tolérées dans la mesure où elles apportent une information utile et importante pour le consommateur donc en fonction de leur mode de vie, leur état de santé, leurs convictions.
Alizée : Ok et est ce que tu pourrais nous dire qui va déterminer si une matière première est dangereuse ou pas ?
Camille : Alors comme les cosmétiques sont sous un règlement européen c'est la Commission Européenne qui a un dispositif de veille et qui surveille le marché, les ingrédients, les substances et va demander de nouvelles analyses sur certains ingrédients.
Alizée : Est ce que les tests sont effectués sur des animaux ?
Camille : Alors, les tests sur animaux en cosmétique, pour un produit cosmétique, sont interdits depuis 2009.
Alizée : Mais là, je parle vraiment des matières premières.
Camille : Pour les matières premières en revanche, ils sont encore tolérés dans certains cas à cause du règlement Reach qui implique tout type de substances. Il peut exiger des tests sur animaux, en sachant qu'il y a plein de nouvelles méthodes et alternatives qui ont été développées, des méthodes in vitro pour se substituer aux animaux, mais quelquefois il y a des tests, mais que sur les ingrédients. Sur les produits finis cosmétiques, c'est interdit depuis 2009.
Alizée : J'ai quand même vu qu'il pouvait y avoir des tests sur les animaux, mais que si c'était des nouvelles matières premières sur lesquelles on n'avait pas vraiment de recul ou de données. Parfois on utilise des tests qui ont été faits dans l'industrie pharmaceutique, que l’on reprend du coup.
Camille : En fait, ils se basent sur toutes les données. Quelles que soient, tant qu’elles sont fondées, ça peut être issu du pharmaceutique parce qu'on a trouvé un intérêt de telle substance en cosmétique, ça va être analysé, ils ne vont pas re demander des tests si il y a de la biblio. ça concerne tout ce qu'ils ont de disponible comme information. Mais c'est vrai que le règlement Reach, qui est sur la sécurité des substances, donc de n'importe quelle substance, de toutes les substances chimiques, ça peut être le vernis de votre table, la peinture de la chambre de vos enfants, peu importe. Ils essayent de se baser sur les données existantes. Les données aussi des remontées terrain, les retours. C'est surtout dans le cas de nouvelles substances, si il n’y a pas de test, si il n'en existe pas, que des tests sur animaux peuvent être demandés, pour que la substance soit autorisée.
Alizée : Ça veut dire quoi Clean Beauty ?
Camille : Alors il faut savoir qu'il y a une forte pression des consommateurs, des influenceurs qui se révèlent scientifiques du jour au lendemain, des nouvelles tendances aussi, des nouveaux modes de consommation. Donc, il y a des allégations qui sortent. Il y a une autorité qui régule ça, c'est l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, l’ARPP, qui chaque année fait des contrôles et dresse un bilan sur les allégations. Donc ici, c'est la publicité en général, ils ont un département pour les cosmétiques dont ils analysent ça.
Pour revenir à ta question sur la Clean Beauty, il n'y a pas vraiment de définition. Pour moi, ce n'est pas forcément une allégation, c'est plutôt une influence ou une tendance, mais il n'y a pas de définition. Si on veut quelque chose de Clean Beauty…Ça serait quoi ? Écoresponsables ? Éco-conçu ?
Alizée : Je pense que dans la tête des gens, c'est que la formule est saine, elle est transparente, on sait ce qu'il y a dedans. Parce que c'est ça le problème des consommateurs, c'est qu’ils ont l'impression qu'on met tout et n'importe quoi dans une formule. Et la Clean Beauty c’est on met, je pense pas le minimum, mais vraiment chaque ingrédient a une utilité et est très safe pour la santé.
Camille : De toute façon que la formule comprenne 40 ingrédients ou 2 si elle est sur le marché européen, elle est censée, je dis bien censée, logiquement être sûre pour le consommateur.
C'est de toute façon sûr. Donc après, est ce que la Clean Beauty, c'est le fait d'utiliser des matières un peu plus écoresponsables ? Est ce que la Clean Beauty, c'est aussi d'avoir des formules minimalistes ? Parce qu'il y a les années 90-2000, c'était “on en met on en met”. Même en 2010, plus on met d'ingrédients, mieux c'est, ça rassurait le consommateur. Sauf que là, la tendance est au minimaliste, de faire local, d'être écoresponsable, c'est une tendance globale qui impacte les cosmétiques. Il y a des labels, qui sont un gage de qualité et d'exigences de formulation, comme par exemple tout ce qui est Cosmébio et Cosmos. Donc ça, c'est tout ce qui est bio. Mais après il y a aussi, et vous l'avez aussi, vous le verrez dans un supermarché sur les lessives et sur les produits ménagers. Il y a l'écolabel européen qui est aussi un gage de qualité. Et il y a aussi le nouveau label qui s'appelle Slow cosmétique. Il y a plusieurs labels. Moi l’allégation Clean Beauty je la comprends pas trop parce qu'il n'y a pas réellement de définition. Mais voilà, si vous voulez des formules, peut être se tourner vers des formules minimalistes. Et ce type de label peut être, éco label. En tout cas, avec l'écolabel, là, vous n'avez pas de craintes parce que c'est européen. C'est un cahier des charges assez important. Si il y a ça sur vos produits c'est un gage de qualité. Mais quoi qu'il en soit, tous les produits cosmétiques qui sont mis sur le marché européen doivent être sûrs pour le consommateur.
Alizée : Très bien, il y a aussi l'allégation vegan.
Camille : Vegan il n’y a pas de définition officielle, selon The Vegan Society, vegan est un produit qui ne contient pas d'ingrédients d'origine animale, d'ingrédients testés sur les animaux, ni d’auxiliaires de fabrication d'origine animale, comme par exemple la cire d'abeille. Il y a plusieurs labels qui existent, c'est des labels auxquels vous devez adhérer. Vous devez répondre à leur cahier des charges et eux viennent vous auditer et vous octroient le label ou pas.
Alizée : J'ai une question un peu plus précise, alors je sais que vegan, ça peut être intéressant pour un stick à lèvre parce que sinon on peut mettre de la cire d'abeille dedans par exemple, mais pour un soin visage. Donc à part si on a un soin visage à la gelée royale par exemple, ou de la bave d'escargot, est ce qu'on a vraiment besoin de préciser qu’une crème, qu’un soin cosmétique est vegan ?
Camille : Pour moi c’est un argument de vente.
Alizée : Est ce que la majorité des cosmétiques aujourd'hui sont faits avec des matières premières animales ?
Camille : Non
Alizée : je pense que c'est important que les gens comprennent.
Camille : C'est très minoritaire, en tout cas, moi, dans l'entreprise dans laquelle je travaillais, je crois qu'on devait avoir sur les 1000 matières premières qu'on avait à peu près dans le catalogue, entre 1000 et 1200, il devait y en avoir dix. Il y avait la cire d'abeille qui est connue, la lanoline qui est issue de la graisse de mouton, Il y a du collagène qui peut être du collagène marin. Il y a quelques produits comme ça, mais c'est vraiment très, très faible. Pour moi, c'est un argument de vente. C'est comme certaines allégations ou comme certains labels. Si l'entreprise souhaite aller sur ce terrain là, il y a 19 labels dans le monde. Donc après, il faut choisir. Le plus connu c’est The Vegan Society Trademark. Et en Europe, c'est Eve Vegan. Donc l'entreprise si elle souhaite avoir ce label, il faut qu'elle adhère, qu'elle paye parce que clairement c’est ça et après la société vient vérifier et vous dit OK pour ce produit là, vous pouvez apposer le logo, mais comme il n'y a pas de définition, c'est assez flou.
Alizée : Mais c'est que vu qu'il y a plus de produits vegan en soi que de produits qui ne sont pas vegan, c’est pour ca que cette allégation, c’est un argument de vente alors que bon ça parait évident que les trois quarts des produits sont vegan et ça me fait penser à autre chose. Souvent on voit des marques qui mettent “testé dermatologiquement” “non testé sur les animaux” “cruelty free” je le vois partout et c'est pareil pour “testé dermatologiquement”. Les produits sont testés de toute façon avant d'être mis sur le marché. Et quand on dit “non testés sur les animaux”, comme tu disais tout à l'heure, les produits ne sont plus testés sur les animaux depuis longtemps.
Camille : Cette allégation, elle est clairement interdite. Voilà, enfin on a des choses qui sont interdites en cosmétique et dire “Ah bah je mets pas ça dans mon produit” c'est normal parce qu'en fait c'est interdit. Si on commence à revendiquer des allégations, des choses qui sont interdites, ça n'a pas de sens. C'est pour ça que l'allégation “non testé sur animaux” est interdite parce que de toute façon c'est le règlement qui l'impose ça en découle. Donc oui, moi ça c'est un sujet qui m'agace un peu parce que c'est des faux arguments de vente, parce que de toute façon c'est interdit. En effet, les consommateurs ne sont pas forcement bien informés donc ils vont être attirés par ce genre de chose en étant rassurés. Mais en fait, rassurez-vous, les produits cosmétiques sur le marché sont sûrs pour le consommateur. Ils ne sont pas testés sur animaux, ça c'est la base!
Alizée : Très bien merci beaucoup pour cet échange et ce partage. A bientôt
Camille : Bonne journée à bientôt.